« Une police du vêtement » : la Fédération française de football critiquée pour sa lutte contre le port de collants et casques au nom de la « laïcité »
« Mais foutez la paix aux gens... pas un jour dans ce pays, sans une insulte pour les Français musulmans. Cela devient vraiment irrespirable. » C’est ainsi qu’Aurélien Taché, député du Val-d’Oise, trésorier et chef de file du groupe écologiste à la commission des Affaires étrangères, commente un courrier de la Fédération française de football (FFF) visant à rendre plus strict le port de certains équipements sportifs soupçonnés par l’instance dirigeante d’être utilisés de manière à « détourner le principe de neutralité [religieuse] ».
Daté du 27 février, le courrier, qui a fait surface cette semaine dans les médias, est signé par Vincent Nolorgues, le président de la Ligue de football amateur, qui s’adresse à tous les responsables de clubs afin de rappeler que le port de certains équipements comme les casques ou les collants ne peuvent être portés qu’après une autorisation médicale délivrée par la Commission médicale de la FFF après une étude approfondie de chaque cas.
L’objectif de ce contrôle strict est, selon le courrier, d’éviter tout « détournement du principe de neutralité, sous prétexte médical ».
Selon Le Parisien, la FFF « craint que ces objets soient détournés pour en faire des signes liés à l’islam ». Dans le premier cas, écrit le journal, « ceux-ci peuvent servir à dissimuler un voile, dont l’interdiction du port par la FFF a été validée par le Conseil d’État en juin 2023. Dans le second cas, car les collants permettent de dissimuler les cuisses et les genoux, comme recommandés par les tenants d’un islam rigoriste ».
Vincent Nolorgues précise que même avec un certificat médical, le joueur ou la joueuse en question ne sera pas autorisé(e) à jouer sans l’aval de la Commission médicale de la FFF, et que même si cette dernière venait à autoriser ces équipements, ils « ne sauraient être portés avec des signes ostensibles, visibles d’appartenance, tels qu’interdits par nos statuts ».
En cas contraire, le joueur ou la joueuse s’expose à des sanctions, souligne la lettre : « Le refus d’ôter ou de cacher la tenue ou le signe ostensibles doit conduire à une application stricte de la règle : non-participation à la rencontre de la personne concernée, et en cas de refus de se retirer, le match ne peut se jouer ».
Selon RMC Sports, qui a rapporté l’information, il s’agirait là d’une « réponse à de multiples signalements d’arbitres amateurs survenus un peu partout en France en fin d’année 2023 sur des matchs masculins comme féminins. Des jeunes arbitres étaient confrontés à des tenues qui ne respectaient pas les règlements de la FFF. Cela concernait notamment le phénomène de plus en plus régulier du port de collant noir sous le short chez les hommes ».
Pour certains, après l’interdiction du voile islamique, de la pratique du jeûne du Ramadan pendant les matches ou des pauses de réhydratation durant le mois sacré de l’islam, il s’agit d’un acharnement de la Fédération française de football contre les sportifs de confession musulmane.
« La police du vêtement... La FFF toujours plus loin dans le ridicule. La laïcité, ce n’est pas ça », a notamment twitté un commentateur.
« La police du vêtement, encore et encore. Pas un jour sans que les musulmans ne fassent l’objet d’insultes ou de harcèlement islamophobe. Fatigue », a surenchéri Jérôme Payen, ancien chef de cabinet du maire de la ville de Lyon.
Le Collectif contre l’islamophobie en Europe a également réagi, demandant quand allait « s’arrêter l’obsession de la FFF sur le contrôle des joueurs musulmans ou supposés comme tels ».
Pour la journaliste française Nassira El Moaddem, rédactrice en chef du Bondy Blog et présentatrice d’« Arrêt sur images », ce courrier de la FFF montre que la France est un « pays de racistes dégénérés. Il n’y a pas d’autres mots. La honte ».
Sa réaction a suscité la colère de personnalités médiatiques et politiques d’extrême droite, à l’instar du député Rassemblement national (RN) Julien Odoul, qui a demandé la suspension de la journaliste, ou encore de l’avocat franco-israélien Gilles-William Goldnadel, qui l’a qualifiée de « raciste ».
La rédaction d’« Arrêt sur images » a publié un communiqué pour soutenir Nassira El Moaddem, dénonçant le « harcèlement raciste […] d’une rare violence » dont elle faisait l’objet depuis cette publication.
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